Séminaire – Regards croisés de militants et de chercheurs sur les premiers mois de J-M Blanquer.

Le 6 septembre, le Sgen-CFDT organisait une rencontre entre des militants et trois chercheurs : François Dubet, Carine Royer et Vincent Troger. L'occasion d'analyser les premières mesures de J-M Blanquer et de s'interroger sur le modèle éducatif qu'elles dessinent...

seminaire - recherche et politiques publiques - les premiers mois de JM BlanquerL’utilisation de travaux scientifiques par le ministre comme élément de légitimation de son action et donc la question de la place de la recherche dans l’élaboration des politiques publiques ont été au cœur des échanges.

En France, il est difficile d’accorder recherche et politiques publiques

Pour Carine Royer, maitre de conférence en psychologie cognitive à l’université de Cergy-Pontoise, les premières mesures annoncées par Jean-Michel Blanquer comme les CP dédoublés, les évaluations nationales en CP et 6e ou la polémique sur la méthode syllabique montrent bien la difficulté d’accorder en France recherche et politiques publiques. Ainsi sur la lecture, la conférence de consensus de 2013, organisée par l’Ifé et le Cnesco, a permis de montrer sur le plan scientifique que la méthode syllabique est plus efficace pour un grand nombre d’élèves. Mais elle a aussi montré que la méthode globale n’empêche pas d’apprendre à lire, et que l’écriture et la compréhension de texte sont aussi indispensables.

Elle regrette que les évaluations en CP réduisent les élèves à leurs capacités cognitives. C’est bien l’apport de différents travaux de recherche qui doit être pris en compte – et pas dans un seul courant ou champ disciplinaire.

C. Royer : Il faut prendre en compte l’apport de différents travaux de recherche et pas dans un seul courant ou champ disciplinaire.

Un projet de « philosophie scolaire » plutôt qu’un modèle étayé scientifiquement…

Pour François Dubet, sociologue, le ministre propose davantage un projet de « philosophie scolaire » qu’un modèle éducatif étayé scientifiquement. Il raisonne comme un expert des comparaisons internationales. Il reste muet sur des sujets essentiels comme la mixité scolaire ou la formation des maitres. Il priorise la réduction des inégalités scolaires en début de scolarité au risque de considérer par la suite la compétition scolaire et les inégalités qui en résulteront comme justes. Cela légitimerait le rétablissement de filières d’excellence sélectives et ségrégatives dès le collège.

F. Dubet : J-M Blanquer reste muet sur des essentiels comme la mixité sociale ou la formation des maîtres…

Un modèle descendant qui inquiète

Pour Vincent Troger, maitre de conférence à l’université de Nantes, le ministre ne présente pas une politique libérale (au sens anglo-saxon du terme) s’appuyant sur la confiance à l’égard des enseignants. Il reste dans un modèle « top-down » qui inquiète, notamment au regard du discours sur l’autonomie des chefs d’établissement, alors qu’il faudrait une autonomie de l’équipe.

Vincent Troger note également l’absence de vision sur le devenir de l’enseignement professionnel et technologique.