A quoi servent les orientations stratégiques ministérielles dans l’enseignement supérieur et la recherche ?

OSM : un outil utile pour le pilotage de la prévention des risques ou bien un document qui reste sur une étagère ?
Présentation et analyse syndicale par Thierry Fratti et Emmanuelle Savignac, mandatés Sgen-CFDT à la F3SCT du MESR.

OSM dans l'ESRTous les ans, le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (MESR) édite un document appelé OSM (orientations stratégiques ministérielles) à destination de l’ensemble des établissements de l’ESR.
Ce document, qui est examiné en Formation spécialisée FSSSCT du MESR, met l’accent sur la réglementation et les bonnes pratiques dans les domaines de la Santé, de la Sécurité au travail et les Conditions de Travail.

C’est aussi une feuille de route qui permet d’alimenter les politiques de prévention des risques professionnels des établissements.

Quelle feuille de route pour la prévention ?

Précisons tout d’abord que les orientations stratégiques ministérielles résultent de différents rapports et enquêtes annuels tels que :

  • L’enquête annuelle sur « Accidents du travail et des Maladies Professionnelles »,
  • L’enquête annuelle « Santé et Sécurité au Travail »,
  • Le rapport annuel des Inspecteurs Santé et Sécurité au Travail,
  • Le rapport annuel du Médecin de Prévention du ministère,
  • Le bilan Handicap,
  • Le rapport annuel du Conseiller de Prévention du Ministère.
  • Ce document fait l’objet d’échanges entre organisations syndicales et ministère dans les instances dédiées.

Il s’agit d’un document nécessaire mais sans contrainte ni appui ni suivi.

Chaque année le ministère transmet aux directions des établissements ses OSM.
Il fut un temps où un courrier du ou de la ministre donnait sa solennité (et son appui) au document.
Aujourd’hui, les orientations stratégiques ministérielles se passent de ce soutien institutionnel et leur devenir et leur circulation au sein des établissements pose question. Les personnels n’en ont généralement pas connaissance. Les membres des formations spécialisées santé et sécurité au travail (F3SCT) de nombre d’établissements non plus, car il n’existe pas d’obligation de présentation des OSM en F3SCT sous le principe de la bonne gestion autonome des établissements !

L’appui ministériel fait également défaut si l’on considère le caractère purement indicatif et non contraignant de ces orientations qui ne font d’ailleurs l’objet d’aucun suivi.

Aucun levier des tutelles n’est mis en place pour s’assurer que les établissements respectent leurs obligations légales.

Aucun levier des tutelles n’est mis en place pour s’assurer que les établissements respectent leurs obligations légales, qui sont constatées ou non selon le passage des ISST (Inspecteurs santé et sécurité au travail). Les seuls éléments de suivi existent dans des rapports annuels qui portent sur les aspects d’accident du travail, des maladies professionnels et enquêtes SST.
Or, ces rapports qui se basent sur les données transmises par les présidences et directions des établissements qui le veulent bien, ne font eux-mêmes l’objet d’aucun contrôle. Les données quantitatives (par exemple en termes d’heures ou de ressources attribuées à la prévention des risques) ne sont accompagnées d’aucune donnée qualitative faisant état de l’effectivité, des résultats et des méthodes. En outre, le relevé de ces données montre régulièrement de nombreuses contradictions entre les chiffres.

Ce serait presque manier l’euphémisme que de dire que tout ceci est dysfonctionnel.

Ce sont généralement les établissements sensibilisés à la bonne qualité du dialogue social qui font usage des OSM alors que les besoins les plus criants se font très logiquement sentir dans ceux qui négligent et le dialogue social et ses enjeux en termes de santé et sécurité au travail.

Une politique de prévention hors-sol

L’écart entre un prescrit aimable de la prévention et un réel bien plus interrogeable est en outre perceptible sur d’autres plans :

  • La prédominance des recommandations au regard de la pauvreté et rareté des diagnostics et enquêtes qui pourraient pourtant enrichir les premières et les rendre adaptées aux spécificités et contextes contemporains de l’ESR ;
  • La tendance à l’externalisation de fonctions essentielles de prévention et suivi en termes de SST comme par exemple la médecine du travail ;
  • L’hégémonie d’une approche exclusivement quantitative de problèmes sociaux et humains ;
  • Au niveau des solutions proposées, un double problème : la tendance à faire porter l’analyse et la remédiation aux directions des établissements (elles-mêmes potentiellement parties-prenantes des dysfonctionnements) ET dans le même temps des réflexes d’individualisation et de psychologisation de problèmes organisationnels.

orientations stratégiques ministériellesDes solutions seraient pourtant à portée de main…

Afin de remédier au problème d’absence de considération des établissements pour les orientations stratégiques ministérielles il faudrait :

  • inclure l’obligation de leur diffusion auprès de l’ensemble des personnels,
  • transformer les OSM en circulaire ministérielle
  • et mettre en place des leviers contraignants (amendes, sanctions…) mais aussi incitatifs (ressources, moyens…) au regard des indicateurs SST.

Afin de remédier au problème d’absence de suivi et de faiblesses des données il faudrait :

  • faire établir les diagnostics sur les données SST par des acteurs externes,
  • accompagner les données quantitatives d’analyses qualitatives quand ces données le nécessitent.

Afin de remédier aux problèmes d’organisation de la prévention et du traitement des risques au sein des établissements il faudrait :

  • Garantir des comités pluridisciplinaires ne relevant pas de la seule administration mais de personnels formés aux problématiques SST tels que celles et ceux participant aux formations spécialisées ;
  • Se poser la question des causes organisationnelles, sociales (rapports sociaux entre sexes, statuts, métiers…) et systémiques des accidents, maladies et RPS (risques psychosociaux) au lieu d’en faire un problème de personnes. Y remédier avec les leviers que sont pour exemple le travail de réorganisation, les projets de service ou encore des dispositifs favorisant les mobilités Y COMPRIS celles des personnels enseignants, chercheurs, enseignants-chercheurs particulièrement exposés aux risques du fait de leur rattachement structurellement de longue durée à leurs composantes et de leur difficulté à pouvoir s’extraire de situations violentes telles que les conflits, le harcèlement…
  • Faire en sorte de bénéficier de professionnels de terrain (médecins, infirmier.es, psychologues…) qui participent de la vie de l’établissement, soient immédiatement accessibles pour les personnels et ne relèvent pas d’organisations contractualisées tierces.
  • En outre, faire en sorte que ces professionnels bénéficient d’un statut qui garantisse leur indépendance professionnelle en ne les rattachant pas hiérarchiquement à la direction générale des services ;

Penser le temps long des changements et des adaptations à ceux-ci à rebours de la succession de réformes mettant à mal la communauté de l’ESR.

En conclusion et dans la perspective d’une gestion concrète des problématiques en SST, il serait ainsi souhaitable de ne pas confondre orientations et actions, recommandations et diagnostics, structures et acteurs obligatoires de la prévention et mobilisation efficace de ceux-ci, en somme de ne pas confondre discours et actes. Et donc arrêter de faire du simple affichage en établissant annuellement une liste de vœux pieux sans obligation de faire, sans moyens de faire, sans obligation de résultats. L’enjeu en est une fois de plus direct pour les personnels de l’ESR, leur santé, leur vécu du travail et leur efficacité dans la conduite de leurs missions.

N’hésitez pas à contacter les élu·es et mandaté·es du Sgen-CFDT