Lettre ouverte du Syndicat des Inspecteurs d’académie Syndicat à monsieur le Président de la République

Les réformes successives ont conduit le syndicat des inspecteurs d'académie (SIA) à s'adresser à Emmanuel Macron quant à leur crainte de la dégradation du système éducatif. Nous vous livrons le contenu de leur lettre.

Paris le 25 septembre 2019

Bureau national du Syndicat
Des Inspecteurs d’Académie
46, avenue de la porte d’Ivry
75013 Paris

Email: contact@syndicat-ia.fr

 

Lettre ouverte à monsieur le Président de la République

Monsieur le Président de la République,

Parce que sa belle ambition est de protéger ses enfants et de les instruire, la République s’appuie sur plusieurs piliers : les forces de sécurité, les services de santé, la sécurité sociale, l’École…

Héritiers de la longue histoire qui a forgé notre nation, dans les drames individuels et les réussites collectives, du Front populaire et du Conseil National de la Résistance, des lois de l’après-guerre et des luttes sociales, inscrites dans le préambule de la Constitution de 1946 et de 1958, ces piliers sont constitutifs de la République. Ils sont le bien de tous les citoyens, ce que tous les Français ont en partage : les policiers, les soldats, les médecins, les professeurs, hommes ou femmes, sont autant de figures emblématiques qui veillent sur Marianne comme sur Gavroche.
Les penseurs des Lumières, comme les humanistes de la fin du XIXe siècle, les pédagogues des années 1920, comme les politiques du milieu des années 1970 savaient cela : l’éducation des enfants de France est le ciment de la cohésion nationale.

Aujourd’hui, nous attirons votre attention sur les risques que font courir au système français d’éducation des réformes hâtives aux orientations libérales, sans autres visées qu’à court terme. Elles légitiment un système éducatif à plusieurs vitesses ; la précarité des agents et la privatisation de la formation seraient la clef de la réussite de nos élèves ; le rythme effréné des réformes serait le gage de l’efficacité du système. Tout cela est actuellement mené sans considération de la réalité du terrain, des élèves et de leurs parents, trop souvent désemparés, et de celle des professeurs qui peinent à les mettre en oeuvre à marche forcée.
Les maux du système français d’éducation sont pourtant bien connus : il est un des systèmes les plus inégalitaires au monde. Au pays de l’Égalité, nous formons parmi les meilleurs élèves mais nous peinons à faire
progresser les plus en difficulté. S’attaquer à ces maux, ce serait s’attaquer à la ghettoïsation de certains établissements scolaires et à l’absence dans nos écoles de mixité sociale, ce serait aussi s’attaquer à cette anomalie française qui fait que nos professeurs sont parmi les moins bien formés et rémunérés des pays de l’OCDE, ce serait également modifier le nombre d’élèves par classe qui, lorsque l’on a exclu les options diverses, nous place également au fond du classement des nations comparables. Au lieu de cela, la politique de l’éducation prioritaire est laissée en jachère, les conditions d’application de la réforme du lycée vont augmenter mécaniquement le nombre d’élèves par classe et rendre impossible l’ouverture d’options, voire de spécialités, dans bon nombre d’établissements. L’inégalité territoriale en est aggravée.

Monsieur le Président, cette lettre n’a d’autre but que d’exprimer au garant de l’unité nationale que vous êtes, et en toute loyauté, notre grande inquiétude, nous qui sommes au cœur des évolutions de notre École et qui portons, tout comme vous, nous le savons, un attachement profond aux valeurs de la République. Nous serions rassurés et très honorés de pouvoir vous rencontrer pour vous exposer plus précisément les motifs de notre inquiétude et les raisons de notre espérance.

Veuillez recevoir, Monsieur le Président, l’assurance de notre profond respect et agréer l’expression de notre haute considération.

Le bureau national du SIA

COPIE à :
-M le Premier Ministre
-M le Ministre de l’Éducation,